Le règlement SFDR, entré en vigueur il y a trois ans, apparaît toujours « trop » et « pas assez ». Irons-nous vers une révision de la SFDR ?
Le règlement SFDR vise à apporter de l’homogénéité et de la transparence dans la manière dont les investisseurs communiquent sur la durabilité, et a en grande partie atteint son but. Néanmoins, trois ans après sa mise en œuvre, le règlement apparaît comme à la fois « trop » – trop pointilleux, trop dense, trop déconnecté – et « pas assez » – pas assez structurant, pas assez granulaire, pas assez utilisable pour comprendre si, en fin de compte, les investissements sont réellement durables ou non. Il est d’ailleurs question de réviser la SFDR.
Le règlement SFDR souffre d’au moins quatre grandes faiblesses. Il y a de nombreuses opinions sur les manquements du règlement SFDR. AXA Climate en identifie quatre principales :
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Un texte créé avec un calendrier réglementaire à plusieurs vitesses : SFDR s’appuie sur des réglementations dont la publication et l’entrée en vigueur sont postérieures à sa propre entrée en vigueur, par exemple pour caractériser un investissement durable au sens de la Taxonomie. Ce décalage a créé des incompréhensions, par exemple l’abandon par une partie des investisseurs de la Taxonomie pour définir leur objectif d’investissement durable.
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Une (trop ?) grande marge d’interprétation: La Commission Européenne a délibérément choisi de faire de SFDR un texte non prescriptif accordant une grande marge de manœuvre aux investisseurs. Ce choix a mené a beaucoup d’incompréhension et de demande de précision, de la part d’investisseurs demandant un cadre plus précis.
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Un angle mort entre le règlement SFDR et la désignation des fonds : En l’absence de cadre européen commun, de nombreux produits d’investissement ont intégré dans leur nom des mots relevant du champ lexical de la durabilité sans pour autant y adosser la stratégie de durabilité que laisse entendre son nom.
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Une intention du législateur en décalage par rapport à l’appropriation du texte par le marché : Le marché a largement « détourné » le SFDR pour l’utiliser comme un proxy de label, ce qui n’était absolument pas l’objectif du régulateur. Cette utilisation non anticipée a rendu moins pertinente la classification par articles des fonds.
La Commission Européenne s’apprête à réviser le SFDR. A ce stade, aucune publication ne permet d’avoir une vision claire de ce que sera le SFDR de demain. En revanche, plusieurs publications dessinent les contours de la finance durable européenne de demain :
La Commission Européenne laisse entrevoir la disparition des fonds Article 6, 8 et 9 tels qu’ils sont aujourd’hui Dans une consultation de 2023, elle pose deux options pour l’avenir de la classification. La première est la suppression de la classification par article et la création d’une nouvelle classification, avec quatre catégories de produits (solutions de durabilité, standards de durabilité, exclusion ou produits de transition). La seconde est le renforcement de la classification par articles en y ajoutant des critères minimums et pour la simplification des exigences vers plus de lisibilité.
A ce stade, nous savons peu de choses avec certitude sur l’évolution de SFDR. Le texte va évoluer et les investisseurs vont devoir s’adapter. Reste à savoir comment. Il y aura vraisemblablement une meilleure articulation et homogénéisation des différents textes européens, une introduction de critères minimums liés à la stratégie d’investissement. Il est probable que l’évolution du règlement SFDR n’aille pas dans le sens de la volonté du marché de créer un système de label européen, les écueils de la labélisation étant trop nombreux. Tout le reste (devenir de la classification par article, lien avec la Taxonomie, positionnement des produits de transition…) reste incertain.
Face à ce contexte changeant, il peut être tentant d’attendre – nous vous conseillons au contraire d’avancer ! Depuis mars 2021, AXA Climate préconise d’avancer dans un contexte réglementaire mouvant autour de trois piliers :
Crédibilité. Nous n’avons pas de certitudes, mais nous avons quelques pistes ! Commençons dès maintenant à travailler sur des premiers pas tangibles, en le faisant de la manière la plus crédible possible, par exemple en se basant sur les standards déjà publiés. Quelques exemples de « no-regret move » que vous pouvez prendre dès maintenant :
- Évaluer la part de vos investissements alignés avec la Taxonomie européenne : quel est votre seuil d’alignement ?
- Faire un audit de vos pratiques d’accompagnement des sociétés en portefeuille sur la transition : est-ce que vous mettez en place des « plans de transition » ?
- Former vos équipes ! Comprendre ce qui nous attend, c’est toujours un investissement utile.
Transparence.Publiez vos méthodes, soyez clairs sur les proxies que vous utilisez, vos zones de confiance et vos zones d’incertitudes.
Agilité. En étant crédibles et transparents, vous vous équipez pour réaliser les pivots nécessaires pour être agiles et changer vos pratiques, politiques, process le jour où la réglementation changera.
Alors, on avance ensemble dans l’incertitude ?